Le Kossovo, une longue histoire

L’indépendance du Kosovo, proclamée le 17 février 2008, s’est vue confirmée en juillet dernier par la Cour Internationale de Justice, laquelle a estimé que la déclaration d’indépendance du Kosovo « n’a pas violé le droit international général ».  Voilà le pays définitivement indépendant même si seulement 69 pays (dont les Etats-Unis et 22 des 27 pays de l’UE, mais pas la Chine et la Russie) ont reconnu son indépendance, ce qui n’allait pas de soi compte tenu de l’histoire du pays, beaucoup plus compliquée que beaucoup se l’imaginent, en précisant que dans cette affaire c’est évidemment la Serbie qui en a été la grande perdante, puisqu’elle a été amputée de 10% de son territoire et d’un des lieux fondateurs de son histoire, le Champ des Merles.

Cela nous amène à évoquer brièvement l’histoire de ce territoire qui constitue le berceau de la Serbie médiévale. Le Kossovo, autrefois habitée par les Illyriens, fit partie des empires romains et byzantins, avant d’être envahi par les Bulgares aux cinquième et siècles. Mais son histoire reste essentiellement liée à la Serbie, dont l’unification date du douzième siècle. D’ailleurs, le tsar Etienne IX Duchan (1331-1355), roi des Serbes,  régna sur un territoire qui engloberait aujourd’hui, la Serbie, la Grèce, la Macédoine et l’Albanie. De nombreux monastères orthodoxes attestent de cette présence serbe au Kosovo depuis le moyen-âge. L’Empire serbe se disloqua vers la fin du quatorzième siècle au profit de l’Empire Ottoman qui annexa, notamment, la Macédoine et la Bulgarie.

Après la bataille du « champ des Merles »en 1389, la Serbie passa sous administration ottomane et une partie de sa population, notamment les Albanais, les Bosniaques et les Kosovars, est devenue musulmane, ce qui est encore le cas aujourd’hui. En fait, ce sont les Albanais qui ont investi le Kosovo pendant la période de domination ottomane  prenant la place des Serbes qui, pour la plupart, ont refusé la conversion à l’Islam et se sont réfugiés au Nord du pays. La Serbie retrouva son indépendance en 1878, mais sans le Kosovo qui resta sous tutelle Ottomane.

A la fin de l’Empire ottoman, et au moment de la création de l’Etat albanais en 1912, l’Albanie revendiqua le Kosovo, mais grâce à la pression de la Russie tsariste, le Kosovo fut rattaché à la Serbie, elle-même formant  plus tard  en 1918 avec la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine  et la Slovénie, le royaume de Yougoslavie. Les Kosovars ne se reconnaissant pas une place dans ce nouvel Etat, se révoltèrent à maintes reprises, mais tous ces soulèvements furent chaque fois réprimés dans le sang.

En 1919-1920, le Kosovo vivait un peu dans la même situation que celle qui prévalait entre 1995 et 1999, année de la mise en place du protectorat de l’ONU. Après la parenthèse de l’Italie fasciste, le Kosovo redeviendra en 1945 une entité administrative de la Serbie, puis province autonome en 1968, statut qui fut confirmé en 1974 avant d’être aboli en 1989, le président serbe Milosevic instituant un régime ethnique discriminatoire envers les Albanais.

Ce rappel historique nous aide à mieux comprendre les arguments de ceux qui plaidaient pour l’indépendance du Kosovo,  et de ceux qui y étaient hostiles. Il y avait finalement beaucoup d’arguments pour, mais les tenants du contre avaient eux aussi quelques arguments non négligeables, et notamment l’intangibilité des frontières reconnue par la communauté internationale dans les années 90, à destination des Balkans.

Toutefois, si l’on s’en tient au seul droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le Kosovo devait devenir indépendant, d’autant que dans les années 1998-1999 les unités spéciales de la police serbe  ont laissé le souvenir d’une terrible répression, avec l’exode de plus de 300 000 réfugiés. De plus le Kosovo parle l’albanais (90% de la population), et la religion y est essentiellement musulmane et non chrétienne orthodoxe comme en Serbie.

Le Kosovo est-il beaucoup plus heureux pour cela? Sans doute, ne serait-ce que par le sentiment de fierté que ressent un pays quand il acquiert son indépendance. Cependant la viabilité économique d’un micro-Etat de 2,2 millions d’habitants est encore loin d’être assurée, même si le Kosovo recèle sur son territoire des terres fertiles, celles-là même qui ont attiré les Albanais au 17è siècle. Cela dit ces terres sont de plus en plus abandonnées dans l’indifférence quasi générale, au point que le Kosovo importe la plus grande partie de ce qu’il consomme, notamment en nourriture. Enfin le Kosovo doit absolument renforcer l’Etat de droit sur son territoire, sans lequel aucun développement ne sera possible. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Union Européenne a déployé une mission de 3000 hommes pour accompagner la mise en place des institutions et de l’Etat de droit dans le pays.

KOSOVO : 10 887 km², 2,2 M d’habitants dont 90% parlent albanais

Capitale : Pristina

Monnaie : l’euro

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Pyrrhus et les Romains

Après la guerre contre la coalition formée par les Etrusques, les Lucaniens, les Ombriens, mais aussi les Samnites et les Sabins qui furent contraints de se rendre en 290 avant J.C., les Romains avaient jeté leur dévolu sur l’Adriatique, parce qu’ils avaient besoin d’un plus grand espace vital pour sécuriser leurs territoires. Ainsi ils conquirent Naples pour protéger Capoue et, pour conforter le nouvel ensemble, ils conquirent le Bénévent, jusqu’au moment où ils arrivèrent à Tarente qui était une sorte de point final, parce qu’au-delà il n’y avait plus que la mer. Tarente était devenue une grande métropole industrielle, commerciale, et même artistique sous la direction éclairée d’un philosophe ingénieur, Archytas (430-360 av. J.C.), lequel fut sans doute un des plus grands dirigeants de l’Antiquité.

Tarente avait aussi la réputation d’une ville tranquille qui, en 303 avant J.C., avait obtenu des Romains qu’ils la laissent en paix côté mer, parce que personne  n’imaginait  que les Romains puissent arriver jusque là par voie terrestre, ce en quoi on se trompait lourdement. En effet, les Tarentins allaient s’en rendre compte après avoir fourni aux Romains le prétexte d’une guerre que ces derniers attendaient, et qui sera la première marque d’intérêt donnée par Rome aux problèmes du commerce maritime. Tout est parti d’une demande de protection des habitants de Thurium menacés par les Lucaniens. Rome bien évidemment accéda à leur requête,  et envoya une garnison pour défendre Thurium, mais décida  que ses navires dépasseraient  le cap des Colonnes, ce qui contrevenait à l’accord passé auparavant. Du coup les Tarentins, prirent prétexte de cette provocation pour attaquer et couler quatre vaisseaux romains, ce qui de facto obligeaient les Romains à répliquer et à entrer en guerre.

Problème, les Tarentins ne pouvaient absolument pas rivaliser avec l’armada romaine, ce qui les obligea à chercher de l’aide à l’extérieur, aide impossible à trouver en Italie, totalement soumise à Rome. Il fallait donc chercher ailleurs, et ce fut Pyrrhus, le roi d’Epire qui la leur fournit. L’Epire n’était qu’un petit royaume montagnard (aujourd’hui partagée entre la Grèce et l’Albanie), mais son roi et ses soldats étaient de redoutables guerriers (25.000 hommes  dont 3.000 cavaliers), comme les Romains allaient s’en rendre compte dès la première bataille qu’ils durent livrer à Héraclée (280 av.J.C.), et ils disposaient d’une arme inconnue des Romains, les éléphants, lesquels bien qu’étant en très petit nombre (20) furent décisifs . En effet, en voyant ces animaux foncer sur eux, les soldats romains furent tellement terrifiés qu’ils  perdirent la bataille, non sans avoir infligé à leurs ennemis de terribles pertes, d’où l’expression de « victoire à la Pyrrhus ».

La bataille reprit l’année suivante (279 av.J.C.) à Asculum en Apulie, et là encore fut la bataille fut sanglante avec des pertes énormes des deux côtés, au point que  Pyrrhus envoya son secrétaire à Rome (Cinéas) pour négocier la paix, négociations facilitées par le fait que nombre de Romains étaient capables de discuter (en grec) sans interprète. Cependant, si le Sénat se montrait plutôt bienveillant à cette idée, c’était sans compter sur l’ancien censeur  Appius Claudius l’Aveugle, lequel estima qu’il était indigne de traiter avec un étranger dont l’armée bivouaquait encore en Italie. Ce fait n’est pas avéré, mais il n’en reste pas moins que le Sénat refusa la proposition, ce qui eut pour effet de mettre quand même fin à la guerre avec les Romains. Cela dit Pyrrhus ne rentra pas pour autant en Epire, car les Syracusains lui avaient demandé son aide pour être délivrés des Carthaginois. Il fila donc jusqu’en Sicile, mais les choses ne se passèrent pas comme il aurait voulu, les cités grecques qu’il était venu défendre n’arrivant pas à se mettre d’accord pour lui fournir les contingents promis.

Du coup Pyrrhus repartit de nouveau vers Tarente pour prêter main forte à ses anciens alliés que les légions romaines venaient d’attaquer, mais contrairement à ce qui s’était passé auparavant, les soldats romains ne se laissèrent pas impressionner par les éléphants, et Pyrrhus fut battu à Malévent que les Romains appelèrent désormais Bénévent (275 av. J.C.). Cette fois Pyrrhus comprit qu’il avait vu trop grand en s’attaquant à Rome, et il rentra chez lui, non pas pour se reposer, mais pour préparer une nouvelle expédition en Grèce, où il mourut accidentellement (jet de tuile lancé par une femme) à l’âge de 46 ans (272 av. J.C.). Ce parent éloigné d’Alexandre le Grand, qui avait donc du sang macédonien dans les veines, grand admirateur des exploits d’Achille dans l’Iliade, avait régné 23 ans de 295 à 272 avant notre ère.

esca


L’enseignement en France au milieu du 19è siècle

Les problèmes de l’enseignement sont récurrents dans notre pays, plus peut-être que partout ailleurs, car nous sommes à la fois le pays des Lumières et celui où l’enseignement laïque et obligatoire a sans doute le plus contribué à notre rayonnement intellectuel dans le monde. Revenons un peu plus de 150 ans en arrière, et nous verrons que les questions posées dans les années 1850 ressemblaient beaucoup à celles que nous nous posons aujourd’hui. Remontons donc le temps vers le milieu du dix-neuvième siècle, très exactement en 1849, quand se réunit une commission qui doit préparer un nouveau statut de l’enseignement et qui aboutira à la loi Falloux de 1850. Il faut d’abord se rappeler que la loi de 1833, établie par Guizot, donnait à l’instituteur une relative indépendance, mais celle-ci a davantage été un vœu pieux qu’une réalité, sous l’influence de l’Eglise qui protégeait les privilèges qui lui restaient. Malgré tout 15 ans plus tard (en février 1848) Hippolyte Carnot,  descendant du grand Lazare Carnot qui sauva la République en 1793-1794, s’installe rue de Grenelle au ministère de l’Instruction Publique, ancêtre du Ministère de l’Education Nationale.  Même si personne ne lui reconnaît un grand sens politique, il sait prendre quelques initiatives intéressantes.

Ainsi pour démocratiser l’accès aux plus hautes fonctions de l’Etat, idée à souligner à l’époque, il crée une Ecole d’Administration qui va vite tomber aux oubliettes mais qui, un siècle plus tard, renaîtra et deviendra l’Ecole Nationale d’Administration (l’ENA). Les instituteurs de leur côté prennent de l’importance. Ainsi en 1848, lors des élections à l’Assemblée Constituante, Carnot invite les instituteurs à élargir leur rôle en conseillant aux nouveaux citoyens d’élire des gens honnêtes et plein de bon sens, hors de toute considération de fortune ou d’éducation. Certes la Chambre des députés ne doit pas nécessairement être envahie par des rigoleurs invétérés, mais pour siéger au Palais-Bourbon et accomplir le travail législatif il n’est pas nécessaire d’être un intellectuel, ce qui signifie qu’un employé ou un ouvrier peut parfaitement faire l’affaire.

Sur ce plan  aussi la circulaire de Carnot restera lettre morte, nombre d’électeurs trouvant cette idée saugrenue, les instituteurs eux-mêmes n’étant pas nécessairement convaincus du bien-fondé des suggestions du ministre. Cela étant, 150 ans après, le Parlement est largement ouvert à des hommes ou des femmes qui ne sont pas nécessairement énarques ou diplômés de grandes écoles. Dans le même ordre d’idées, on notera que l’actuel président de la République lui-même n’est ni l’un, ni l’autre. Cependant, même si le temps donnera raison à Carnot, il fut obligé de démissionner le 5 juillet 1848, pour être remplacé par un personnage cultivé, pieux, fils de riches commerçants anoblis en 1825, dénommé Frédéric de Falloux, promoteur de la loi de 1850 établissant le principe de la liberté de l’enseignement.

Cette loi, dont on parle encore à intervalles réguliers, a mis en place le statut de l’enseignement primaire. Les instituteurs, au nombre de 36000 en 1849, étaient des personnages très décriés à l’époque, considérés par Thiers comme « des petits rhéteurs et des anticurés ».  Désormais ils vont être placés sous la coupe du Préfet, le recteur lui-même étant installé au chef-lieu du département. La 3è République perpétuera la situation. Plus tard on optera pour une organisation plus rationnelle, où le rectorat sera centré autour d’une ville dotée d’une faculté. Toutefois, il y a un fait acquis depuis la loi Falloux, à savoir des écoles primaires publiques et privées.

Les conseils municipaux étaient libres de choisir pour l’école privée des religieux ou des laïcs. Les religieux étaient évidemment choisis dans les villes ou les gros villages industriels, car ils étaient considérés par le patronat comme les meilleurs remparts contre le socialisme. De plus, les ouvriers et les paysans étaient plus préoccupés de voir les enfants travailler le plus rapidement possible plutôt que de poursuivre des études, car ils apportaient un surcroît de main d’œuvre ou de  ressources pour des familles qui en manquaient cruellement. Par ailleurs, les divers types d’enseignement tels que nous les connaissons de nos jours n’existaient pas.

Il y avait la culture gréco-latine pour ceux qui faisaient des études et c’est tout. Même Duruy, ministre de l’Instruction Publique entre 1863 et 1869, pourtant très lié personnellement à l’empereur Napoléon III, ne réussira pas à développer l’enseignement scientifique, ce qui nous rappelle qu’à notre époque nombreux sont ceux qui regrettent qu’on n’investisse pas davantage dans notre pays sur la recherche scientifique à l’Université. Bien mieux, les socialistes ou assimilés des années 1860, tel  Auguste Blanqui, redoutaient l’école professionnelle « qui risque de faire un homme techniquement compétent, mais civiquement servile ».

D’autres comme Frédéric Bastiat  s’en prendront au baccalauréat, disant  aux bourgeois de l’époque à propos de ce diplôme : « Il conduit le pays à la ruine. Il fait des tribuns, des Caïus Gracchus, des esprits critiques ou lyriques, mais non des producteurs. Il fabrique trop de légistes, trop d’avocats qui ne peuvent vraiment fleurir que sur le terreau des sociétés décomposées ». Il ajoutait également : « Que la bourgeoisie ouvre la soupape de l’école professionnelle ; son intérêt et l’intérêt du pays tout entier lui commandent ce geste »! Les bourgeois resteront sourds à l’appel.

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Léon Gambetta : tribun exalté au service de la République

Léon Gambetta, avocat de profession, né à Cahors en 1838 de parents italiens, va devenir célèbre très jeune, en 1868, en prononçant contre l’Empire un réquisitoire sévère pour défendre le journaliste républicain L.C. Delescluze.  Au moins lui savait de quoi il parlait quand il évoquait la liberté de la presse, d’autant qu’il a créé son propre journal, « La République Française » en 1871. Elu député radical en 1869, il va mettre au point ce que l’on appellera « le programme de Belleville », véritable charte du parti radical. Un peu plus tard, c’est lui qui proclamera la république le 4 septembre 1870. Ensuite il se rendra encore plus célèbre en quittant Paris en ballon pour organiser la résistance aux Allemands. Il se rend à Tours, prend la direction de la délégation du gouvernement, mais l’avance allemande l’oblige à se replier sur Bordeaux. Il ne va pas y rester longtemps car il va démissionner au moment de la reddition de Paris. De nouveau élu député, il  va encore démissionner quand la France se résout à laisser l’Alsace et la Moselle à l’Allemagne (1er mars 1871).

Ensuite il se fera remarquer en s’opposant au projet de restauration monarchique, après la chute de Thiers en 1873. Il fera aussi voter les lois constitutionnelles de 1875 qui établissent la république. En 1877, après la dissolution de la chambre,  il prend la tête du mouvement de résistance au président Mac Mahon, avec cette célèbre déclaration : « Quand la France aura fait entendre sa voie souveraine, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre ». Ces propos peu diplomatiques lui valurent trois mois de prison. Après le départ de Mac Mahon et l’élection de Grévy en 1879, il sera président de l’Assemblée et surtout président du Conseil en 1881, se réservant aussi  le portefeuille des Affaires étrangères).

Ce « Grand Ministère », ainsi qu’on l’a appelé par dérision  parce qu’aucun grand chef républicain n’en faisait partie, ne durera que 73 jours. Sa volonté de créer un gouvernement suffisamment fort pour s’affranchir de l’influence des parlementaires, à laquelle il faut ajouter  ses projets de révision de la constitution, plus une réforme électorale instituant le scrutin de liste pour les députés, auront suffi à lui aliéner en moins de trois mois la plus grande partie de l’Assemblée. Gambetta  va donc quitter le pouvoir au plus haut niveau, et redevenir  bien malgré lui simple député tout en s’occupant de son journal, avant de mourir fin 1882 des suites d’un accident (mal soigné) avec une arme à feu. Cela dit, même en faisant un résumé très succinct de sa vie, on mesure l’immensité de l’œuvre accompli par ce grand tribun en moins de quinze ans de vie politique.

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Aristide Briand : le pélerin de la paix

Le grand serviteur de la république que fut Aristide Briand est né à Nantes, en 1862, dans une famille de cafetiers, et après de brillantes études il devint avocat, mais aussi journaliste à La Lanterne (journal anti-clérical), puis fut élu député socialiste en 1902, ce qui marqua le commencement d’une carrière politique très brillante, puisqu’il fut onze fois président du Conseil et vingt-cinq fois ministre.

Servi par un extraordinaire don d’orateur, mais aussi par de remarquables qualités de négociateur, il fut à de nombreuses reprises l’homme chargé de rapporter ou de négocier des accords importants, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Ainsi, c’est lui qui a fait adopter la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), sans que cela ne provoquât trop de tensions avec le clergé français, ce qui était en soi une performance. Il eut aussi un rôle de premier plan pendant la Première Guerre mondiale, en tant que président de Conseil et ministre des affaires Etrangères entre 1915 et 1917. A ce titre, il fut l’instigateur de l’expédition de Salonique et des Balkans (janvier 1915- septembre 1918). Plus tard, il participe à la signature du Traité de Versailles (28 juin 1919), dont il veut une application stricte en termes de réparations à payer par l’Allemagne.

Très vite, cependant, Briand se rend compte que des aménagements de la dette allemande sont nécessaires, afin d’éviter d’étouffer la république de Weimar, en contrepartie d’une garantie des frontières françaises. Briand avait compris qu’il ne sert à rien d’humilier encore plus un pays vaincu, sous peine de voir ce dernier ne penser qu’à la revanche, comme l’avait fait cinquante ans plus tôt Bismarck vis-à-vis de la France après la première guerre franco-allemande, le chancelier exigeant une rançon énorme (5 milliards de franc-or) et surtout l’annexion de l’Alsace-Moselle (1871). Cela dit, tout le monde était loin d’être d’accord avec Briand sur cette attitude réaliste, et notamment le président de République Millerand. Désavoué, Briand démissionnera (on avait du panache à cette époque !), mais après la démission de Millerand en 1925, le pèlerin de la paix qu’était devenu A. Briand allait de nouveau être ministre des Affaires étrangères, et obtenir le rapprochement avec l’Allemagne en signant le Traité de Locarno, qui garantissait les frontières de la France et de la Belgique avec l’Allemagne, et qui établissait un pacte d’assistance mutuelle. Cela vaudra à Briand d’obtenir en 1926 un prix Nobel de la paix bien mérité.

Cette même année l’Allemagne est admise à la Société des Nations (créée en 1924), ancêtre de l’ONU. Ensuite Briand signera le pacte Briand-Kellog (secrétaire d’Etat américain en 1928) qui devait mettre « la guerre hors-la-loi ». Fort de tous ces succès Briand, en véritable visionnaire, suggère la création d’une fédération européenne, aux prérogatives essentiellement économiques, approuvée par 27 pays européens. Hélas pour Briand, pour la France, et l’Europe, cette idée est rapidement enterrée, d’autant qu’en 1929 éclatait la crise économique du siècle, et avec elle la montée des dictatures nationalistes (Italie, Pologne, Portugal, Yougoslavie). Heureusement pour lui, Briand ne verra pas l’avènement en Allemagne du gouvernement national-socialiste d’Hitler en 1933, ni la prise du pouvoir de Franco en Espagne en 1939, après trois ans de guerre civile, puisqu’il mourra à Paris le 7 mars 1932, terme d’une vie extrêmement bien remplie.

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